En 2018, près de 4 adultes sur 10 dans le monde ne possédaient pas de compte bancaire. Une donnée qui illustre parfaitement l’existence de ces « exclus du système bancaire » placés dans cette situation de gré ou de force. Pourtant, sur ce chiffre vient se greffer un indicateur intéressant. Selon la Banque mondiale, deux tiers de ces personnes seraient en possession d’un téléphone portable. Un croisement judicieux qui illustre une toute nouvelle dynamique dans la quête d’un cheminement aux services bancaires plus accessibles. Le marché est large. Dans cette grande croisade, les banques traditionnelles et les Fintech proposent chacune à leur manière des services financiers, véritables sèves à cette volonté de justice financière. Mais ces derniers sont-ils réellement adaptés à la large variété des profils ? La question reste épineuse.
Il est loin le temps où nos grands-mères cachaient toutes leurs économies sous leurs matelas. Si posséder un compte bancaire n’est toujours pas une obligation en 2020, ne pas en avoir peut s’avérer être un réel handicap au quotidien. Dans une société largement brassée par une économie centralisée par les banques, avoir un compte permet de percevoir un salaire ou encore de recevoir des allocations. Pratique, mais l’exclusion bancaire reste encore un fléau palpable. Face à cette nécessité, l’Union Européenne a décidé de mettre les bouchées doubles en ajustant un système traditionnel trop opaque et en élargissant l’espace donné à de nouveaux acteurs financiers répondant à des modes de vie en continuelle évolution. Tout citoyen européen peut donc avoir accès au lot de services bancaires de base, un socle pour l’intégration. Le citoyen parfait serait donc armé de son RIB, d’un chéquier et d’une jolie carte bleu pour affronter la vie. Oui mais voilà le citoyen parfait n’existe et la vie nous reserve des aléas qu’un compte bancaire dans son plus simple appareil ne pourrait pas résoudre sans ajouter dans la formule un ou deux crédits par exemple.
Face un système classique dans l’impasse, qui ne convainc plus forcément les foules et qui voit le nombre de ses agences diminuer à petit feu, de nouveaux acteurs financiers ont sorti la tête de l’eau. Surfant sur la vague du numérique, ces chalutiers digitaux ont eu l’ingénieuse idée de puiser leurs forces dans un domaine en pleine expansion. Les Fintech ont donc capté l’essor de l’utilisation de nouveaux outils par un grand nombre ainsi que celui des paiements mobiles. Bon nombre des banques traditionnelles ont ainsi changé de carapace en adoptant un nouveau profil, celui de la banque en ligne, relai digital d’une agence. Une perche tendue aux non bancarisés estime la Banque Mondiale qui voit dans cette nouvelle mobilité la solution pour un accès universel aux services bancaires essentiels.
Néo-banques, mobilité et frais poids plume, la véritable solution ?
Parmi ces Fintech, une en particulier attise la curiosité d’un nombre grandissant d’utilisateurs: les néo-banques. N26, Revolut, Nickel… ces noms vous disent peut-être quelque chose. Et pour cause, ces porte-monnaie de poche ont des arguments qui ont de quoi interpeller. Une inscription qui se veut simplifiée et rapide grâce à une demande de documents allégée, une offre de base gratuite incluant une carte bancaire souvent personnalisable le tout condensé sur une application limpide. Un vrai jeu d’enfant !
Mais c’est sans doute dans les halls des aéroports que vous trouverez les plus enthousiastes utilisateurs des néo-banques. Et pour cause, ces « banques » permettent de payer et d’échanger des devises aux quatre coins du monde en mettant aux oubliettes les frais souvent salés de ces transactions à l’étranger. Une aubaine pour une population de plus en plus nomade mais qui ne veut pas payer l’addition d’un monde plus ouvert. Au menu également de ces banques dans le mouvement, un compte actualisé en direct pour une meilleure gestion mais aussi des versions premium payantes permettant de compléter son départ à l’étranger d’une assurance voyage étoffée. Des annexes qui se destinent majoritairement à une population jeune et mobile. Mais pour ce qui est des produits bancaires traditionnels comme l’épargne ou le prêt on repassera. La néo-banque semble encore trop peu à l’écoute du quotidien moins glamour de monsieur et madame tout le monde.
Banques et néo-banques, vers une complémentarité
Les néo-banques sont ambivalentes. Elles nous font bénéficier d’une carte sans débourser un sous mais n’autorisent pas le découvert. Une situation pourtant commune notamment pour les populations les plus fragiles qui dépassent souvent leur découvert autorisé. D’autres considérations sont aussi à prendre en compte. Les néo-banques ne demandent aucun frais de tenue de compte à ses clients mais les retraits sont payants avec un nombre de retraits gratuits vite limité. Elles s’avèrent également être de bons espaces pour économiser mais ne félicitent pas ce comportement par une rémunération d’épargne. Le constat est clair, tout le monde ne peut pas s’improviser gestionnaire.
Loin des services complets proposés par une banque traditionnelle et de ses conseils humains mais d’un autre côté moins onéreux, ces établissements de paiement ne sont pas encore au point pour devenir le compte principal de leurs clients. Mais à l’heure où ces nouvelles technologies financières apparaissent comme des solutions viables pour un système bancaire plus inclusif, la question n’est plus à « qui mieux mieux » mais plutôt vers quelle complémentarité pouvons nous nous orienter ? Pourquoi ne pas utiliser le savoir-faire ancestral des banques classiques pour conduire ces technologies vers une disruption bancaire éthique et durable ? Cela est tout à fait possible face aux données de ces néo-banques encore trop peu exploitées. Pour enrichir son offre bancaire vers des services adaptés au plus grand nombre et pas seulement aux plus aisés, elles ont à leur disposition des ressources quasi minières : les données des transactions. En exportant ces données et en les soumettant à l’avis des consommateurs, les néo-banques pourraient ainsi élargir le profil de ses utilisateurs.
L’Europe s’avoue d’ailleurs être de plus en plus enclin à cette proposition de services novateurs et additionnels aux banques que nous connaissons toutes et tous. Avec la directive européenne sur les services de paiements 2ème version (DSP2), la Commission valorise une meilleure protection des consommateurs ainsi que des paiements plus sécurisés notamment avec l’ouverture du marché à ces nouveaux acteurs a.k.a les Fintech en donnant accès aux informations sur les comptes par un canal de communication sécurisé. « Avec l’entrée en application de la DSP2, la surfacturation appliquée aux cartes de débit et de crédit des consommateurs devient interdite. Les consommateurs de l’UE pourraient ainsi économiser plus de 550 millions d’euros par an. Ils bénéficieront aussi d’une protection accrue lorsqu’ils effectuent des paiements » résume la Commission. Bien que cette nouvelle manivelle n’en soit encore qu’au stade du chantier, l’importance des banques et des Fintech à travailler main dans la main doit être renforcée pour avancer vers un marché bancaire européen sous sa casquette d’incubateur social. Pour que tout le monde puisse accéder aux services bancaires il est impératif de « moderniser les services de paiement en Europe au profit tant des consommateurs que des entreprises, de manière à rester en phase avec ce marché en évolution rapide » confesse la Commission. Faire du neuf avec du vieux, l’expression peut sonner péjorative et pourtant cette dynamique pourrait faire ses preuves et sortir l’Europe d’un système bancaire à deux vitesses.