La crise financière mondiale de 2008 a largement secoué les relations entre la banque et son client. En vendant des produits qui ne correspondaient pas à l’attente mais surtout à la possibilité de financement de ce dernier, les agences ont mis en péril une relation que l’on croyait pourtant faite pour durer. Ce grand bouleversement a donné naissance à une crise identitaire des deux côtés: banque et client. Même si les agences bancaires restent le pivot central de la relation banque/client, l’arrivée massive de nouvelles solutions bancaires en ligne proposées par les Fintech a permis de détecter de nouvelles attentes des usagers bancaires parfois contradictoires. En 2020, on désire des réponses plus rapides tout en s’assurant un conseil complet comme avant l’avènement de l’âge du digital. Un paradoxe qui soulève la question suivante: mieux connaître son client à distance est-il réellement envisageable ?
C’est un fait, la population fait plus confiance à son médecin ou aux professeurs des écoles qu’à son banquier. À l’image du déclin de la confiance dans les médias, celle du banquier n’est pas non plus au meilleur de sa forme. Il ne fait pas de doute que la crise financière du début du siècle a joué un important rôle dans le déficit de la relation entre la banque et son client. En affichant un excès de confiance avec un large sourire et les bras tendus à sa clientèle, les banques ont réussi à vendre des produits qui ne correspondaient pas aux ressources de cette dernière. La crise des subprimes et son onde de choc se sont répandues jusqu’au continent européen et font encore gronder l’opinion publique. Prenons l’exemple en France de l’affaire Natixis ayant poussé les plus petits budgets à devenir investisseurs dans le seul intérêt des banques à se placer leader à la bourse. Actionnaires tapageurs se souciant peu des projets de ses usagers, la crise a même fait douter les plus fidèles clients sur les véritables intentions de leur banque. Interrogés en 2010 par le cabinet de sondage financier Ernest & Young, 42% des Français affirmaient que la crise avait eu un impact négatif sur la confiance qu’ils plaçaient en leur banque et 75% des clients fidèles à leur banque depuis 10 ans ont émis l’hypothèse de la quitter.
Cette grande « crise conjugale » se renforce par des clients plus attentifs voyant leur pouvoir d’achat stagner ou diminuer scrutant donc avec plus d’importance les montants que les banques facturent à leur solde. Les citoyens les plus en difficulté financièrement parlant se plaignent des tarifs bancaires abusifs pratiqués. Face à cela, les clients ont de plus en plus l’impression de se trouver face à des vendeurs plutôt qu’à des conseillers pour nos projets de tous les jours, un commerçant qui aurait besoin de faire de la marge pour survivre. Un banquier travaillerait pour sa banque et ses intérêts seraient à l’opposé du client. Ainsi, il est important de rappeler que par exemple le banquier n’est pas un spécialiste du crédit immobilier, ce dernier rapporte peu à la banque. Il est donc tout à fait possible que vous essuyer un non sur vos projets qui ne pourraient être bénéfiques à une banque mais plutôt contribuer à un endettement.
Des agences bancaires désertées
Depuis la crise de 2008, les agences bancaires sont en plein naufrage et leur nombre ne cesse de diminuer. Mais la crise n’est cependant pas la seule responsable de cette communication douloureuse entre la banque et son client. Des évolutions structurelles profondes du système financier ont contribué à donner une nouvelle identité à cette relation. Bouleversées par la puissance du numérique et son poids général sur l’économie, les exigences de rentabilité ont conduit les banques de détail à modifier leur axe de productivité vers ce progrès numérique. Le personnel au guichet a petit à petit était remplacé par des sites internet, véritables pré-requis à la performance commerciale des banques. Les banques en ligne ont pris le dessus du marché impliquant par la même occasion un lien plus distendu avec le client.
Les obstacles physiques et la contrainte de se rendre en agence bancaire ont souligné la volonté des clients à obtenir des services plus fluides. Le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie en France a décelé que 18% des consommateurs étaient insatisfaits des horaires d’ouvertures des agences et que 35% privilégiaient donc l’utilisation d’internet pour contacter leur banque. Une évidence notamment pour les digital-natives. Triste constat, les banques ont de moins en moins l’occasion d’échanger. La dématérialisation de ces dernières a rendu plus complexe la récolte d’informations sur le client. Ce qui pose un problème au centre même de la volonté de ces Fintech à rendre un service bancaire plus près des volontés de ses usagers. Proposer des offres personnalisées est devenu un véritable casse-tête. Les banques traditionnelles savent proposer des offres commerciales ciblées à leur base de clients mais l’utilisation sous-exploitée des nouvelles données récoltées à partir des sites de ces banques 2.0 ne permettent pas encore une refonte d’une relation plus saine et constructive.
Une nouvelle relation qui peine encore à trouver son équilibre
La concurrence est forte. Face à un dialogue compliqué entre banque et client, de nouvelles têtes sont apparues vantant un système toujours plus épuré et immédiat. Devant les attentes des consommateurs à avoir une banque moins chère et adaptée à leurs modes de vie, une jeune génération se tourne de plus en plus vers les néo-banques. Fini l’impression d’être en permanence contrôlé par sa banque grâce à une inscription ultra-rapide proposée par ces banques de poche mais aussi une offre de base gratuite alléchante avec par exemple une carte bancaire largement personnalisable. Des offres sur mesure qui ont aussi captées l’émergence de nouveaux modes de vie pas forcément encore très bien assimilés par les banques traditionnelles. Face à une génération de digital-natives accro aux réseaux sociaux et qui ne tient plus en place, les néo-banques ont su s’adapter en offrant par exemple la disparition des commissions sur les retraits et les payement en devises étrangères. Une arme redoutable pour ces globes-trotteurs toujours plus nombreux et qui ne veulent plus dépendre de frais bancaires qui alourdiraient leur sac à dos.
Sur le papier tout semble donc parfait pour ces petits nouveaux surfant sur les nouvelles envies des clients en termes de services bancaires. Cependant, la crise financière à paradoxalement renforcée l’envie pour le client de se faire guider question finance dans ce système qu’il ne comprend plus vraiment. Confrontées à ce double constat, les banques traditionnelles ne savent plus vraiment comment orienter leurs services. Les clients crient « au secours ma banque ne me connaît pas » en exigeant plus d’attention de la part de ces dernières tout en exprimant leur volonté d’imposer de plus en plus de distance. Cela rend complexe l’investissement des banques dans ces nouvelles technologies à la fois incontournables mais peu utilisées à l’image des outils de communication à distance comme la visioconférence.
Pour enclencher réellement le processus, que chacun puisse s’y retrouver et que le lien de confiance soit enfin rétabli entre banque et client, c’est à l’échelle européenne de restructurer et d’homogénéiser une finance en pleine mutation. Prendre en compte l’intérêt des Fintech tout en reliant ces dernières au savoir-faire des banques traditionnelles est la clefs pour la refonte d’un système plus éthique et compréhensible de tous.