En France, les banques ont-elles du souci à se faire ? Bien qu’encore attaché à une forte tradition bancaire, le pays voit ses usagers bancaires se tourner vers la mobilité des portables. La bancarisation 2.0 s’impose petit à petit dans la vie des habitants de l’hexagone et apporte avec elle son lot de questionnements mais aussi la perspective d’une finance plus proche de soi que des grands flux boursiers. Mais les banques en ligne peuvent-elles vraiment séduire tous les Français ? Des doutes subsistent encore concernant pour les personnes les plus en difficulté financièrement parlant ou encore les personnes âgées, pas forcément à l’aise avec ces nouvelles technologies.
La France connaît un taux de bancarisation record. 99% de ses habitants seraient en possession d’au moins un compte bancaire qu’il soit courant ou d’épargne. Il faut dire que le pays est très bien classé dans le secteur bancaire européen avec 4 banques faisant partie du top 10 des établissent les plus en vogue de l’industrie. Ce succès tient vraisemblable sa force de sa grande diversité dans son offre. Avec des banques universelles, des banques de détails et des banques d’investissements mais aussi une gestion sur le secteur de l’assurance, le multiple visage des banques françaises permet d’inclure une clientèle étendue: particuliers, professionnels, collectivités etc. Toujours dans cette optique, on observe un ralentissement du secteur moins fort que dans les autres pays de l’UE. Alors qu’entre 2008 et 2018, le nombre d’agences bancaires avait chuté de 22% en Europe, la France connaît quant à elle une plus forte stabilité. 37 657 agences bancaires étaient ouverte en France en 2015. C’est certes moins qu’avant mais le déclin est plus lent qu’ailleurs. Toutefois, une accélération est possible face aux usages digitaux mais aussi aux plans de fermeture annoncés pour le secteur.
Les Français sont donc fidèles à leur banque. Néanmoins, selon une enquête réalisée par le BVA, un groupe d’étude et de conseil expert en sciences comportementales, le pourcentage de Français considérant les établissements bancaires comme des partenaires de confiance s’élève à seulement 59 %. La vente de produits bancaires dangereux pour les clients les plus fragiles lors de la crise de 2008 a renforcé les craintes des usagers concernant la gestion de leur argent. En France, l’affaire Natixis illustre bien ce constat. De nombreux clients expriment encore aujourd’hui une crainte quant à la sécurité de leurs fonds. L’exemple de nos voisins chypriotes n’est pas pour nous rassurer quant à la gestion d’une possible crise à venir. Bien que les maladresses de cette crise continuent de ternir l’image des banques, c’est aussi un désir naissant de nouveauté qui se fait ressentir. Les Français veulent reprendre le contrôle de leurs porte-monnaie et satisfaire leurs envies d’une finance plus connectée aux modes de vie actuels. En 2019, une étude Next Content avait constaté que 67% des Français avaient d’ores et déjà téléchargé l’application de leur banque principale et la consulteraient régulièrement. Une population désormais très connectée et qui n’hésite pas à se munir de son portable pour consulter son solde plutôt que d’attendre par courrier son relevé de compte. La révolution digitale est en marche.
Banque en ligne, l’émergence de nouveaux usages chez les Français
Les modes de consommation changent. Les ventes sur internet ont franchi les 100 milliards d’euros en 2019. L’achat de produits et de services en ligne a été multiplié par quatre en dix ans. Une nouvelle mobilité numérique se dessine et vient ainsi modifier les contours de la banque telle que les Français la connaissaient. Orange a établi l’année dernière une large observation de l’ «afterbancking » ainsi que des nouveaux usages bancaires. Il est clair que l’usage de nos portables s’est largement démocratisé et que le mobile soit désormais naturellement associé au paiement et 57% des Français considèrent même que dans les cinq prochaines années ce dernier deviendra le moyen de paiement le plus courant et cela même en magasin. L’émergence des banques en ligne renforce ce constat. Les Français seraient à la recherche de toujours plus de transparence et justesse dans les prix. Moins de frais, plus de gratuité et de simplicité, les banques en ligne ont prouvé que les frais bancaires pratiqués en agences et souvent jugés abusifs n’étaient pas systématiques.
La relation banque/client se trouve elle-même bouleversée dans ses codes. Selon la même étude, internet et les réseaux sociaux seraient devenus une source d’information bancaire de plus en plus utilisée à égalité désormais avec l’information d’un conseiller bancaire pour 49% des Français. 56% de ces derniers continuent de juger leur conseiller utile mais 92% estiment que les banques placent d’abord leurs intérêts financiers avant un réel accompagnement de leurs clients. D’ailleurs, 43% des usagers bancaires n’auraient jamais rencontré leur conseiller. « La relation à la banque évolue, plus décomplexée et autonome, du fait d’une défiance croissante envers les institutions bancaires, alors que le digital, les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle redonnent désormais aux français la main sur leur argent» explique Paul de Leusse, directeur général adjoint du groupe Orange en charge des services financiers mobiles. Les néo-banques, suivent elles aussi cet engouement pour le digital des Français. En 2017, elles auraient comptabilisé pas moins de 2,6 millions de clients dans l’hexagone d’après le cabinet d’audit KMPG. Ces banques 2.0 séduisent notamment les porte-monnaie des étudiants, des interdits bancaires ou encore des grands voyageurs avec la suppression de la condition d’un revenu minimum pour l’ouverture d’un compte ou l’annulation des frais pour les payements et les retraits en devises étrangères.
Banques en ligne, un modèle que ne satisfait pas tous les Français
Certes, l’engouement des Français pour les banques en ligne est réel. Cependant, le modèle n’est pas encore privilégié pour des opérations financières telles que l’épargne, l’investissement ou encore l’emprunt. Dans ces configurations, 57% des Français préféreraient encore passer par un conseiller bancaire. Une assistance, véritable point négatif de ces banques 2.0. Exemple, pour vous faire accompagner chez la néo-banque allemande N26 il vous faudra majoritairement passer par les réseaux sociaux. Un manque de contact qui entre donc en coalition avec ce désir de liberté des clients bancaires : « Les clients veulent de la praticité et de la simplicité, une exploitation intelligente des données. Les banques doivent faire des investissements pertinents, à la fois sur le digital (pour automatiser et faciliter les opérations courantes) et sur le capital humain (pour la partie conseil) » relate Stephane Houin, Directeur des offres digitales pour les services financiers chez CGI dans l’étude de Next Content.
Les banques en ligne ne sont pas non plus en adéquation avec une partie de la population que l’on a tendance à omettre dans cette montée en puissance du digital: les personnes âgées. En effet, en 2018 le CSA ( conseil supérieur de l’audiovisuel) avait publié une étude montrant que 6 millions de Français ne savaient pas se servir d’internet et 23% ne se sentaient pas à l’aise dans son utilisation. Alors qu’une majorité de la population française serait équipée pour avoir accès à internet via un ordinateur ou un portable, le CSA indique que 40 % des personnes ayant plus de 70 ans posséderaient un ordinateur portable contre les 64% de la population restante. Prendre en compte ces personnes habituées aux services bancaires classiques plutôt qu’aux banques en ligne est une nécessité dans une société où l’usage du numérique semble inévitable même pour l’importante population vieillissante de notre pays (d’après l’INSEE en 2016 18,8% des français étaient âgés de 65 ans ou plus).