Est-ce le terminus pour les banques traditionnelles? Après des années sous les projecteurs, ces dernières sont confrontées à un long procès qui les accable. Ogres spéculateurs ayant montré leur soif d’argent en 2008, investisseurs dans des projets néfastes pour l’homme mais aussi pour la planète, la banque de nos parents ne semble plus tout à fait en relation avec des mentalités changeantes. Plus de transparence, d’équité et de responsabilité, la banque doit bâtir de nouvelles fondations. Les nouveaux-nés de la Fintech invoquent le digital comme une nouvelle arme pour les consommateurs. Une gestion des finances décomplexée, des frais allégés… La banque éthique a-t-elle trouvé sa place dans le numérique ?
On aurait pu croire à un de ces contes de fées où sorcières et autres gargouilles s’amusent à embêter un enfant innocent. Les banques depuis quelques années passent pour les méchantes dans le domaine de la finance. Depuis la crise de 2008 et la mise en danger de nombreux clients de ces banques que beaucoup voyaient comme des maisons ultra-sécurisée pour leur portefeuille, ces dernières ont du mal à garder leur image historique du « to big to fail » soit « trop grande pour faire faillite ». Un climat d’insécurité qui se renforce encore aujourd’hui à l’heure où les affaires de manipulation de taux changes ou encore de fraudes fiscales continuent de tirer l’image des agences bancaires vers le bas. Statistiquement parlant, ce déclin de popularité est bel et bien prouvé. Entre les prémices d’une crise économique mondiale en 2008 et 2018, le nombre d’agences bancaires en Europe se serait écroulé de 33%. Outre la remise en question des frais abusifs pratiqués par les banques ou encore de la vente de produits peu adaptés aux plus petits budgets toujours dans une optique générale de bénéfice, les banques doivent réagir à présent à de nouvelles réclamations. À l’image d’une labéllisation européenne de plus en plus poussée sur les produits que nous consommons( alimentation, cosmétiques …), la population souhaite également trouver une toute nouvelle transparence au sein des services bancaires. L’Union européenne avait déjà fait quelques timides pas dans cette direction notamment en imposant plus de clarté dans les tarifs proposés par les banques en les obligeant à stipuler explicitement les nombreux frais auxquels pourrait être confronter un futur client. Des actes encore trop des babillages que d’une action éthique concrète pour les banques qui engloberait non seulement cette question de transparence mais aussi des interrogations plus vastes sur des valeurs sociales et même écologiques.
Il existe un peu partout en Europe des modèles de banques plus éthiques comme la Banca Etica en Italie, la Triodos aux Pays-bas ou encore la Nef en France qui a financé des projets responsables comme l’agriculture biologique ou encore la biodynamique. Mais leur poids n’est pas vraiment comparable aux géantes du secteur. Les banques ont bien évidemment le pouvoir de choisir dans quel secteur d’activité elles pourront investir leur argent et celui de leurs clients par la même occasion mais le constat est pourtant loin d’une réalité idyllique. Profundo, un organisme de recherche et de conseil économique avait dévoilé comment les plus grandes banques commerciales au monde ont soutenu l’industrie du charbon entre 2005 et 2004. Le modèle classique de la banque ne s’est pas encore séparé de ses mauvaises habitudes.
Finances, start-up et éthique: le trio gagnant ?
L’éveil d’une nouvelle banque ne semble pas pouvoir se faire sur les cendres de cet ancien mécanisme bancaire. En effet, on observe depuis des années un nouvel élan du secteur bancaire à l’âge du numérique. Simplifier, rendre accessible à tous et faire baisser les tarifs, voilà les principaux arguments des banques en ligne qui fleurissent un peu partout. Un service condensé sur des applications ou des sites faciles d’usage qui prônent une banque plus honnête pour ses usagers en responsabilisant notamment plus ces derniers vis-à-vis de leur finance. Mais comment expliquer que derrière ces arguments que l’on nous vante même à la télévision subsiste encore le spectre d’un système bancaire ancien et à l’évolution en termes de services finalement assez pauvre ? Il est vrai que ces banques en ligne n’offrent pas plus de garanties sociales ou environnementales que les établissements traditionnels. La raison ? Ces dernières dépendent généralement aux grands groupes bancaires et n’échappent donc pas aux décisions pas toujours très vertueuses de leurs congénères.
Mais la finance dématérialisée ne s’arrête pas là. Ces dernières années, l’essor des start-up a fait naître de nouveaux business parfois révolutionnaires en parallèle à une économie encore trop poussiéreuse et cherchant parfois les mauvais profits. Des idées jeunes, des équipes motivées et proposant généralement des projets articulés autour de l’actualité pour donner les meilleures solutions possible, voilà l’essence même de ces start-up. Chaque jour, une de ces nouvelles entreprises voit le jour et parfois avec des idées surfant totalement sur un esprit éthique. Application pour lutter contre l’isolement des personnes âgées, objets du quotidien biodégradables, mise en place de réseaux d’aides entre particuliers… Les bonnes idées ne manquent pas. Côté finance, des start-up technologiques comptent également changer l’image d’une économie réservée aux plus initiés. On a notamment pu observer la mise en place de projets sur l’économie circulaire mais aussi la montée en puissance de banques 2.0: les néo-banques.
Un nom comme Revolut vous dit peut-être quelque chose ? Cette néo-banque britannique lancée en 2014 comptait en 2019 3 millions d’utilisateurs à travers l’Europe. Un de ses fondateurs, le russe Nickolay Storonsky, avait face à ce succès déclaré avoir l’ambition de faire de Revolut « l’Amazon des services financiers » et de conquérir à l’avenir 100 millions de clients. Bien que ces néo-banques n’aient pas remplacé l’utilisation encore courante des comptes bancaires « classiques », elles s’articulent autour d’un phénomène multibancarisation. Pour convaincre, ces dernières ont clairement mis en avant leur côté démocratique. Parmi leurs points forts: une inscription très rapide avec compte et carte gratuits et ne requérant pas une masse de documents à fournir. Une simple carte d’identité vous suffira généralement. Dites aussi adieu aux fameuses conditions de revenu minimum demandées très souvent lors d’une inscription en banque et qui peut freiner les démarches des personnes les plus fragiles financièrement parlant. Des beaux atouts qui ne répondent cependant pas à tous les profils. Face à leur situation, certains s’en remettent encore aux conseils d’un banquier, grands absents sur ces plateformes, pour établir des projets de vie. Où est donc passé l’humain avec ces nouvelles banques mais aussi où sont passées des questions éthiques plus globales comme l’environnement ou le financement de projets durables ?
Liberté du digital et éthique, une cohabitation ambivalente
Rappelons-le, les start-up sont des modèles d’entreprises en constante évolution. Leur vocation éthique est souvent dépassée par des problèmes liés à leur structure interne. Ces dernières sont confrontées à de multiples facteurs: scalabilité, cash flow , évolution rapide vers le positif ou le négatif… Il faut souvent composer à toute allure. Concernant les néo-banques, les premières remises en question du modèle ont vu le jour récemment. La trop grande liberté dans la gestion des comptes et des profils de leurs utilisateurs a laissé apparaître de possibles dérives. En 2019, le journal britannique The Daily Telegraph avait révélé que Revolut avait suspendu pendant trois mois, l’année précédente, un de ses outils de contrôle des transactions suspectes. Autre cas, la Bafin , l’autorité de régulation de la finance allemande, avait estimé que la procédure d’authentification de N26 était défaillante laissant ainsi présager un important risque de blanchiment d’argent via la plateforme. Des sujets délicats qui exposent les nombreuses dérives que peuvent impliquer ces nouveaux socles économiques.
On observe donc encore un certain manque de contrôle sur le pouvoir de ces banques digitales. Si des impacts négatifs possibles décrits ci-dessus sont à craindre, des évolutions plus éthiques sont aussi à envisager. En effet, ces banques génèrent une multitude de données à partir des comptes de leurs utilisateurs mais ces dernières restent mal exploitées. Au-delà de la question éthique de la protection des données personnelles des usagers de ces banques, l’utilisation de la data peut aussi dépasser le marketing et venir améliorer concrètement les services des banques. Exemple, une utilisation intelligente de la data permettrait ainsi de mieux évaluer le profil financier des clients bancaires afin d’établir une meilleur offre de produits sans mettre en danger les petits budgets. Dans l’avenir ces recherches pourraient-être renforcées pour créer un réel avancement éthique de la banque mobile et étendre leurs domaines d’application.