Le secteur bancaire européen est en plein séisme identitaire. Depuis 2008, la crise a remis en question un système que l’on pensait jusqu’ici intouchable. Une méfiance collective s’est dressée contre ces piliers de notre vie quotidienne: les banques. Spéculations, investissements peu éthiques… Le lien des clients avec leur banque s’est petit à petit distendu. Sur le continent européen, les agences bancaires sont nombreuses à fermer, ralenties par ce mouvement général. Résultat, aujourd’hui certaines personnes n’hésitent plus à contourner le système bancaire classique pour s’approprier leur finance. Mais les banques ont encore la ferme intention de ne pas se laisser transformer en ruine. Elles se cherchent et tentent de se réinventer notamment en surfant sur la nouvelle vague du digital. Cela suffira-t-il ?
Intermédiaires de nos vies, les banques sont des acteurs indispensables au bon fonctionnement d’une société. Perception d’un salaire, financement de divers projets… Avoir un compte en banque est un passeport à l’inclusion sociale. Pourtant, le secteur bancaire est quelque peu boudé dernièrement et beaucoup de citoyens ne s’y retrouvent plus côté placement d’argent. La crise financière mondiale de 2008 y est certainement pour quelque chose dans cette grande cohue. En accordant des crédits à des clients qui n’avaient pas forcément la capacité financière à les rembourser, les banques ont montré une certaine oisiveté sur la confiance qui leur était accordée. Dix ans après la crise, les échos de cette mauvaise période boursière se font encore entendre. Le moindre faux pas n’est plus toléré: frais de banque jugés abusifs ou bien investissements de notre argent dans des projets à l’encontre de nos convictions. En effet, de grands groupes bancaires se voient reprocher leur soutient financier à des projets néfastes pour l’environnement comme l’exploitation de mines de charbon. Derrière ces exemples, les chiffres prouvent par eux-mêmes un réel déclin du secteur.
La fédération bancaire européenne ( EFB) avait délivré en 2017 des données sur l’état de santé de ses agences bancaires. Le constat n’est pas des plus réjouissants. En moins de 10 ans, 22% d’entre elles avaient définitivement fermés leurs portes. En 2008, aux premières secousses, l’Europe comptait 237,701 agences. En 2016, elle n’en dénombrait plus que 189,270… Mais au-delà des relents de la crise, d’autres facteurs viennent aussi perturber la courbe de croissance des banques. Des prêts à taux très bas ainsi que l’émergence des Fintech, poussent les banques à changer de visage pour garder le cap sur la performance : «Cette tendance comprend des facteurs tels que les fusions dans le secteur bancaire, en vue d’améliorer la rentabilité et permettre de meilleures économies d’échelle» explique la fédération.
Dans ce grand mouvement, c’est aussi toute la structure des banques historiques qui s’impose un « relooking ». Toujours selon la EFB, en 2017, le nombre d’employés bancaires se serait vu réduire de 53 000 personnes. Les emplois bancaires ont eux aussi observé une baisse. Même le pays européen employant le plus dans ce secteur, l’Allemagne a vu certaines de ces banques les plus importantes annoncées d’importantes suppressions de postes. La digitalisation du secteur est en partie responsable de cette dégringolade. «Les clients ont adopté avec enthousiasme les paiements électroniques, ainsi que la banque en ligne et sur mobile» , conclut le rapport. Aux Etats-Unis, certaines agences de la Bank of America ont déjà pris ce virage numérique en remplaçant le personnel à l’accueil par une tablette qui gère les dossiers ainsi que les ouvertures de comptes.
Une bancarisation parallèle
Pour éviter d’avoir à passer par une agence traditionnelle, certaines personnes n’hésitent pas à se détourner des banques. Exemple, trouver une aide financière comme un crédit pour mettre à bien nos projets ne nécessite pas forcément un cadre bancaire classique. Le crowdfunding, la montée en puissance de certaines monnaies régionales ou encore le prêt entre particuliers sont autant d’alternatives envisageables. Depuis peu, l’émergence du Bitcoin prouve encore une fois la volonté de diversifier l’offre financière au-delà des murs d’une agence conventionnelle. Mais sur ce point-là, les banques ne sont pas encore prêtes à laisser plus de place à une nouvelle monnaie concurrente. « Nous n’accepterons pas d’assurer la tenue de comptes de plateformes tant que les directives anti-blanchiment ne seront pas totalement transposées et que la question du statut légal des cryptomonnaies ne sera pas tranchée » avaient déclaré le groupe bancaire français Bnp Paribas à la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les monnaies virtuelles. Ironiquement, les entreprises évoluant dans le secteur du Bitcoin sont donc le plus souvent obligées de disposer d’un compte bancaire traditionnel.
Pourtant, c’est bel et bien par la veine du numérique que les banques comptent reprendre du dynamisme. L’arrivée massive des banques en ligne, versions mobiles des banques telles que nous les connaissons montre une volonté de ne pas se laisser abattre. Ouverture de compte gratuite, instantanéité et souplesse, voici les bons ingrédients d’une banque en ligne à succès. Ces banques seraient en moyenne 80% moins chères que leur homologue en agence. Mais les banques en ligne qui sont les filiales de grands groupes historiques se voient quelque peu concurrencées par l’arrivée de start-up au fonctionnement quasi similaire: les néo-banques. Inscription demandant très peu de temps, carte de paiement gratuite, débit immédiat… Ces petits nouveaux ont d’autres avantages comme la suppression des frais bancaires qui peuvent être engendrés par des retraits ou des payements en devises étrangères lorsque vous voyagez ou l’annulation de la condition d’un revenu minimum pour l’ouverture de compte.
Un phénomène de multi-bancarisation
Cependant, les néo-banques ne sont pas encore tout à fait au point pour tout le monde. En effet, leurs offres ne sont pas complètes pour des clients désirant emprunter de l’argent ou se faire conseiller au quotidien. Il faut dire que les banques en ligne et les néo-banques n’ont pas la même qualité de conseils q’une agence physique. Ces points à améliorer commencent tout de même à être pris en compte par ces banques 2.0. Une exploitation plus poussée de la data, c’est-à-dire une meilleure exploitation des données des clients récoltées par leurs usages d’internet, permettrait de mettre en place de nouvelles solutions réellement novatrices pour les services bancaires.
Plus généralement, on observe un phénomène de multi-bancarisation plutôt qu’une rupture totale avec un ancien système. La population européenne n’est pas encore prête à lâcher totalement ces institutions financières connues pratiquement de toutes et de tous. L’Union européenne avance d’ailleurs dans cette direction. Exemple, la mise en place de la directive DSP2, soit la directive européenne sur les services de paiements 2ème version, indique une volonté de laisser plus de place aux nouveaux usages bancaires. Cette dernière permet de concilier protection des consommateurs dans une nouvelle configuration du système bancaire. « Moderniser les services de paiement en Europe au profit tant des consommateurs que des entreprises, de manière à rester en phase avec ce marché en évolution rapide » avait déclaré la Commission. Mais le chemin est encore long pour que les principaux acteurs du marché bancaire trouvent de nouveaux points de concordance pour assurer la pérennité d’un système basé. Mettre en réelle relation un système bancaire classique et les nouveaux du milieu est la seule façon de construire un secteur financier plus stable à l’avenir.