Pour fuir une taxation trop importante, un système bancaire trop contraignant ou tenter de garder au maximum la mainmise sur leur argent, certaines personnes se tournent vers des banques offshore, c’est-à-dire des banques hors de leur territoire de résidence. Mais que se cache-t-il derrière ce nom qui fait beaucoup parlé de lui? Les paradis fiscaux sont-ils uniquement les refuges de grands bandits en cavale en quête de planque pour enfouir leur butin ou de riches millionnaires fuyant l’impôt et nageant dans l’argent? Malgré les apparences premières, les banques offshore ne sont pas uniquement synonyme d’argent sale et de cachette pour malfrats, d’autres profils beaucoup moins « dangereux » viennent se greffer à cette liste et devraient tempérer les critiques.
Entre 2006 et 2008, 180,6 milliards d’euros ont été dissimulés dans des paradis fiscaux avec la complicité d’un grand ensemble bancaire connu de tous: HSBC. Le deuxième groupe bancaire mondial a en effet été suspecté d’avoir organisé à grande échelle fraudes et évasions fiscales. Exemple, ce dernier aurait aidé à dissimuler près de 6 milliards d’euros uniquement sur les porte-monnaie de citoyens français dans des comptes offshore. Le scénario pouvait au départ paraître un peu grossier. Dans une lettre officielle adressée à ses clients, la banque avait annoncé l’arrivée d’une nouvelle taxe européenne qui devait être mise en place dans les mois suivants. Jusqu’ici on ne voit pas vraiment le scandale mais attendez la suite. Sur cette même lettre, HSBC stipule quelque chose d’intriguant en affirmant vaguement à ses usagers qu’il existerait tout de même des moyens pour échapper à cette taxation à venir. Drôle de mention pour un courrier bancaire officiel n’est-ce pas? Cette phrase est le point de départ d’une évasion fiscale qui va prendre d’importantes propositions. La « HSBC Private Bank » basée en Suisse va ainsi contacter ou être contactée par des clients à la fortune imposante et créer des comptes « expatriés » où le profil du client ne sera pas rattaché à un nom mais à un numéro, véritable garantie pour l’anonymat. Ainsi protégés, ces comptes vont subir d’autres mutations qui pousseront toujours plus le profil de leurs usagers dans l’ombre jusqu’à transformer leur statut de personne physique, c’est-à-dire d’humain, en statut de personne morale qui peut juridiquement parlant correspondre à une mosaïque de profils notamment celui d’entreprise. Une société fictive est ainsi constituée à l’autre bout du monde et bien souvent le client engagé y est rattaché en tant que mandataire. Pratique, il peut ainsi récupérer son argent selon ses désirs.
Les paradis fiscaux portent bien leur nom. En implantant leurs fausses entreprises dans de petits territoires ayant peu de ressources et de faibles capacités de production, ces derniers profitent des richesses des fraudeurs apportées sur leur territoire drainant ainsi l’économie. Côté clients, leur argent reclus dans ces pays lointains bénéficie à la fois d’une fiscalité faible appliquée à des sommes importantes, d’un secret bancaire garantissant la confidentialité des entreprises et des particuliers ainsi que d’un secret juridique qui permet aux sociétés de rester anonymes. Ces évasions sont des remparts difficiles à franchir et représentent de véritables manques à gagner pour les pays censés, dans un fonctionnement correct, imposer ces grosses fortunes. Oui mais voilà, aujourd’hui les grands états comptent bien enlever cet anonymat absolu pratiqué par les banques offshore. À partir de janvier 2018, des communications concernant les réels bénéficiaires physiques et non plus moraux de ces sociétés à l’étranger doivent être déclarés par la banque. Les infos sont en circulation et les visages à découvert. Mais les fraudeurs trouvent souvent parade à tout obstacle…
Les banques offshore entre mythes et réalités
À l’image des banques classiques, les banques offshore cultivent un large panel de profils. Les fraudeurs ne sont pas tous de grands bandits qui tirent leurs recettes d’activités illégales et dangereuses cachant volontairement l’argent sale de leurs trafics de drogues, d’armes et autres contrebandes. D’un autre côté il y a les fraudeurs aux activités légales mais cachant volontairement leur argent pour échapper à la taxation de leur importante fortune. Cela peut concerner des chefs d’entreprises mais aussi et bien souvent des célébrités et des sportifs ayant bien gagné leur vie. Parmi ces célèbres exilés, ces noms vous diront peut-être quelque chose: Neymar, Platini… En 2016, plusieurs médias européens ont révélé un des plus gros scandales d’évasion fiscale de l’histoire du foot: les «Football Leaks ». Exemple, le joueur portugais Cristiano Ronaldo aurait à lui seul dissimulé 150 millions d’euros dans des paradis fiscaux. Mais les banques offshore ne sont pas les uniques refuges des gros porte-monnaie et comptent dans leur système ce que l’on pourrait désigner comme des « fraudeurs malgré eux », obligés par exemple de cacher un héritage. Bien que ce type de profil reste tout de même en marge, il est important de souligner que l’évasion fiscale n’évoque pas uniquement des images de yachts luxueux et de villas en bord de Méditerranée.
Il ne faut pas féliciter ce système bancaire parallèle mais il ne faut pas non plus acclamer les banques traditionnelles qui pratiquent quant à elles des taxations abusives. De plus, depuis 2008 les banques subissent de manière générale un important déclin dans leur popularité et représentent un écosystème de plus en plus fragile où notre argent n’est pas forcément en sécurité. Quand vous choisissez une banque offshore votre pays ne peut pas afficher de risque pour votre épargne. De plus, en multipliant vos comptes dans d’autres pays, votre argent présente une bonne diversification des devises et cela peut conduire à une certaine indépendance financière. Il faut d’ailleurs noter que les banques classiques ont de plus en plus tendance à garder moins de liquidités dans leurs réserves. En cas de faillite de ces dernières, on pourrait s’inquiéter d’un taux de remboursement assez faible. Les personnes ayant un solde important sur le compte en banque craignent aussi une nouvelle taxation en agence. En effet, l’Allemagne, la Suisse et le Danemark ont déjà le droit de prélever un « pourcentage » sur l’agent « dormant » de certains comptes bancaires pour éviter qu’elles ne perdent trop en raison principalement de taux d’intérêt bas. Pour le moment cette taxation s’impose sur les soldes de 100 000 et plus mais cette dernière pourrait voir à la baisse ce chiffre et même s’étendre à d’autres pays européens.
Banques en ligne, de nouvelles banques offshore ?
Mais sortir d’un système bancaire classique n’est pas une volonté réservée aux plus fortunés. On observe ces dernières années un essor de l’utilisation des banques en ligne qui donnent une nouvelle liberté à tous les consommateurs souhaitant s’exiler dans cette échappée numérique. Mais alors que les banques mobiles classiques peuvent encore pratiquer une taxation proche des modèles bancaires traditionnels, les néo-banques s’imposent comme les moins couteuses pour le porte-monnaie de leurs utilisateurs. Une clientèle jeune notamment se presse de plus en plus pour adhérer à ces banques dont le siège ne se situe pas forcément dans le pays de leurs usagers. En 2017, la néo-banque allemande N26 chiffrait à 300 000 personnes sa clientèle française. Comment expliquer ce succès croissant dépassant les frontières? Une carte bancaire gratuite, pas de frais supplémentaires sur les payements et les retraits en devises étrangères, une actualisation des comptes immédiate… Leurs arguments ont de quoi séduire un grand nombre. Très intéressant également, la simplicité d’inscription à ces « banques » 2.0. Exit la montagne de documents à fournir pour ouvrir un compte, un simple justificatif d’identité est généralement demandé. Ainsi, avec cette prise d’information sur le client réduite au minimum, la néo-banque constitue des profils assez « basiques ».
Problème, cette liberté dans la gestion des comptes mais aussi la constitution de profils plus « écrémés » ont mis le doute dans les esprits quant à la sécurité ces nouveaux portefeuilles digitaux. L’année dernière, un célèbre magazine anglais, The Daily Telegraph, avait révélé que Revolut avait suspendu pendant trois mois, l’année précédente, un de ses outils de contrôle des transactions suspectes. Autre cas, la Bafin , l’autorité de régulation de la finance allemande, avait estimé que la procédure d’authentification de N26 était défaillante laissant ainsi présager un important risque de blanchiment d’argent via la plate-forme. Le ministère de l’Économie et des finances français a quant à lui évoqué les comptes Nickel comme de possibles moyens de financement du terrorisme. Les banques en ligne affichent dans leurs dérivent des similitudes avec les clients des banques offshore. Simples spéculations ou réels dangers pour le contrôle des fraudeurs, nous manquons encore de recul et de structuration sur ces nouvelles plateformes financières pour pouvoir totalement affirmer ou démentir ces hypothèses. Affaire à suivre.