Nous sommes aujourd’hui dans une course au data. Notre quotidien est désormais brassé par le numérique. Quand nous achetons, nous nous informons ou simplement quand nous naviguons sur Internet une multitude d’informations à notre sujet se trouve stocké. Les géants de la Fintech ont bien compris le potentiel de ce que certains médias appellent «l’or noir de l’économie numérique »: la data. Parmi ce gisement d’informations la perspective d’une banque plus personnalisée et personnalisable pour ses utilisateurs se dessine. Question finance, nous ne voulons plus être un simple numéro de compte bancaire. Mais notre banque utilise-t-elle la data à bon escient ? Les initiatives se multiplient.
Souvenez-vous du film de science-fiction de Jaco Van Dormael, Mr.Nobody. L’histoire d’un mortel dans un monde d’immortels à qui l’on essaye avec difficulté de recoller les morceaux de sa vie passée dans une société où il est désormais logique de se souvenir de tout. Dans la vie réelle être Mr.Nobody semble désormais bien compliqué. Notre ADN s’inscrit petit à petit dans nos démarches quotidiennes : réseaux sociaux, achat en ligne, recherche Internet… Jouer les agents secrets n’est plus aussi facile quand on sait qu’une quantité astronomique d’informations est récolté sur nous jour après jour. Mais que faire de toute cette masse ?
Le secteur de la banque traverse actuellement une importante crise identitaire. La montée en puissance des Fintech laisse peu de place à la banque d’hier. Ébranlée par la crise économique, cette dernière compte bien redevenir la banque d’aujourd’hui en s’inspirant des petits nouveaux de la finance. Face à une demande des clients d’avoir des services bancaires plus libérés et une gestion de leurs finances accrue pour, les banques ont décidé de reformuler leurs offres au format mobile à travers ces fameuses banques en ligne de plus en plus appréciées. Payement en ligne, consultation des soldes sur son smartphone… La finance 2.0 apprend ou réapprend à connaître son client derrière un écran mais aussi avec des données nouvelles. Ce changement bouleverse l’habituel rapport banque/client tel que le connaissons avec ces rendez-vous en agence et ces conseillers bancaires aux visages familiers. Ce changement structurel ouvre la voie à la perspective de nouvelles créations de valeurs pour les banques avec une personnalisation renforcée des services bancaires. D’après un sondage réalisé par Infosys et l’Efma, les banques internationales se seraient déjà mobilisées pour mettre en place l’utilisation intelligente du Big Data.
Data: marketing ou véritable personnalisation de l’offre bancaire ?
Face aux nouvelles attentes des consommateurs d’avoir une banque efficace et directe, un nombre important de personnes se tourne désormais vers les néo-banques. Fini l’impression d’être en permanence contrôlé par sa banque grâce à une inscription ultra-rapide proposée par ces banques de poche mais aussi une offre de base gratuite alléchante avec par exemple une carte bancaire largement personnalisable. Ces banques proposent en apparence une offre sur mesure avec par exemple la disparition des commissions sur les retraits et les payements en devises étrangères ainsi qu’une assurance voyage complète pour une modique somme. Mais ces offres sur-mesure en apparence relèvent encore trop de la simple observations des modes de vie émergeants plutôt que d’une réelle exploitation de la data.
Il faut dire que les banques avancent doucement et prennent leurs précautions face à des clients rétifs à l’usage de leurs données personnelles. Les craintes se focalisent sur une utilisation encore trop centrée sur le marketing de ces banques plutôt que sur la réelle envie de vendre le produit idéal à son client. Pour les banques numérisées, il est en effet devenu plus simple de suivre le type d’opérations le plus couramment utilisées pas ses clients, d’avoir accès à sa localisation géographique etc. En apparence, il serait donc plus simple de définir les profils types des utilisateurs mais de nombreux obstacles sont encore à surmonter. Des études ont prouvé que le rejet de l’utilisation de ces données est encore fort. Une simple notification prouvant que votre banque à une idée de ce que vous faites à l’image d’un changement de domicile par exemple peut-être encore vu comme une violation de la vie privée. Le cadre légal sur le sujet reste d’ailleurs encore très floue et l’échelle de l’utilisation de ces données par les banques encore peu mesurable. Nous manquons de recul et de structuration.
Vers une data efficace et éthique ?
En 2018, Olivier Gavalda, directeur régional de la banque française Crédit Agricole avait déclaré: « La rupture réside dans le changement d’échelle : ces usages digitaux qui génèrent un volume innombrable de données protéiformes et cette puissance de machine jamais atteinte qui nous permet des traitements en temps réel. Le véritable changement tient dans la finesse des résultats, des analyses prédictives, des technologies de reconnaissance, etc.» Pour atteindre cette performance dans l’utilisation de la data par nos banques mais surtout proposer une exploitation qui ne serait pas vécu comme une intrusion à la vie personnelle il faut réussir à établir un contrôle sur cette immensité. L’année 2018 a vu l’entrée en vigueur de la directive DSP2. Une initiative de l’Union européenne qui met en avant un contrôle poussé des échanges monétaires en ligne en sécurisant davantage les paiements et en apportant ainsi plus de sécurité pour le consommateur. « Des services de paiements moins chers, plus sûrs et plus innovants ». Cette directive pose les fondements d’une meilleure exploration des banques en ligne vers une utilisation plus éthique et transparente : « Cet acte législatif constitue une nouvelle étape dans la création d’un marché unique numérique dans l’UE. Il encouragera le développement de systèmes de paiement en ligne et mobiles innovants, ce qui stimulera l’économie et la croissance. »
Il existe déjà à travers le monde des cas d’utilisation de la data de manière intelligente au service des banques. Exemple en Australie, la CommBank propose d’aider les petits commerçants comme les fleuristes ou les boulangers grâce à cette data en leur fournissant des données essentielles pour mieux connaître leurs clients. Une nouvelle manière d’aider les entrepreneurs, une des missions de la banque. La data permettrait également de mieux évaluer le profil financier des clients bancaire afin d’établir la capacité à rembourser un crédit de ces derniers. La data est aussi un formidable outil pour les Fintech a qui on reproche leur manque de SAV et de conseillers à l’écoute pour régler les soucis de leurs usagers. HP a par exemple travaillé à l’augmentation de la productivité du centre d’appels d’une banque américaine. En ayant un résumé concret de l’activité du client avant l’appel, ce dernier dure moins longtemps et arrive à cibler plus rapidement la source du problème. « Il utilise en général son smartphone ou son ordinateur pour entrer en contact avec sa banque ? La proposition de crédit lui sera envoyée par mail et non par courrier postal. Ainsi, le taux de transformation (en acte d’achat) des campagnes marketing a augmenté de 30%, au sein de cette banque » a affirmé Philippe Bessis, business developer chez HP. La liste est longue mais annonce une très bonne lancée de l’usage de la data parfaitement compatible avec les secteurs de la banque et de la finance.