Le spectre de la crise financière flotte encore sur le vieux continent. Depuis 2008, le regard des Européens sur leur banque semble s’être durci. La méfiance est palpable, la confiance vis-à-vis de ce qui fut pendant des générations un pilier notre quotidien s’est effritée au contact de frais exorbitants, de produits ne correspondant pas forcément aux besoins du client et d’un certain sentiment de racket qui a du mal à se détacher des convictions. Face à ce constat, ils sont nombreux à avoir choisi de se détourner de cette institution au profit de nouveaux acteurs financiers comme les Fintech ou encore de s’improviser propres gestionnaires de leur argent. Être proche de son budget, en avoir le contrôle quasi total est devenu en l’espace de quelques années un objectif primordial à atteindre. La banque traditionnelle serait-elle en train de vivre ces derniers jours ?
Voyage vers un futur proche. L’humanité ne se déplace plus dans les magasins et chine la bonne affaire sur le net, elle délaisse le bar pour rencontrer l’amour à l’aide d’un simple clic et gère son argent en toute autonomie. Vous voyez, cette prédiction a comme un goût de présent. Le constat est clair, les agences bancaires sont en perte de vitesse depuis la crise. L’économie de la zone euro tout particulièrement se trouve mise en difficulté par ces obstacles structurels qui deviennent des freins pour la croissance. Les causes sont profondes et la roche des institutions bancaires devient de plus en plus friable. Sur cette perspective, des incertitudes plus globales viennent se greffer comme celles des ruptures technologiques ainsi que d’importants bouleversements dans nos modes de vie. On observe à travers le monde une certaine perte de confiance dans les opinions, les institutions et les experts. Un sondage qui se confirme à travers la confiance des pays européens pour leur banque nettement plus faible que celle de leurs voisins américains par exemple.
La banque traditionnelle apparaît encore trop abusive et peu inclusive. Alors qu’auparavant les agences bancaires se voulaient être de véritables cocons protecteurs pour notre argent, aujourd’hui et plus que jamais c’est son physique de spéculateur qui lui donne mauvaise réputation. Les dépenses sur notre solde mensuel liées à notre compte et aux opérations diverses que notre banque nous factures restent floues et pèsent encore trop lourd sur les budgets les plus en difficulté. Malgré une volonté de l’Union Européenne à inculquer un nouveau souffle à ces dernières notamment en rendant plus limpides les frais pratiqués sur les services bancaires, l’impression que les banques traditionnelles répondent à des impératifs commerciaux plutôt qu’à l’intérêt de leurs clients subsistent. Vendre un produit qui ne correspond pas forcément à un profil fait encore écho au vif souvenir des subprimes. Exemple, découvert seulement en 2015, l’affaire Natixis en France reste l’un des plus gros scandale de la crise financière. Pour se placer comme leader dans le vorace marché boursier, la banque a vendu un produit à haut risque à des clients aux revenus faibles et peu avertis sur l’investissement. Poussant ainsi l’épargne populaire dans ces retranchements, la banque a emporté avec elle ces « épargnants innocents » dans sa chute lors de la crise. Aujourd’hui, peu de personnes sont encore prêtes à encourir de tels risques.
La construction d’un marché financier parallèle
Placer son argent à la banque peut désormais sembler désuet. Le citoyen européen ne veut plus être mis de côté et subir les flux d’un système bancaire qui ne lui appartiendrait pas. De plus, la banque traditionnelle propose en général un investissement sur le long terme pour son client dans le but d’absorber d’éventuels chocs boursiers. Mais nous sommes à présent face à une génération de plus en plus rebutée à l’idée de s’engager sur la durée. Il faut du concret, de la rapidité et plus de liberté. Pour répondre à ces nouvelles exigences, les Fintech, ces technologies financières qui s’imposent tous les jours un peu plus dans notre quotidien proposent une nouvelle vision de la finance. C’est notamment le cas des néo-banques, ces porte-monnaie de poche ayant radicalement épuré un système bancaire trop rigide et peu clair. Leur discours est simple: une inscription minute, une gestion de son compte sur une application simple d’utilisation, un débit d’argent contrôlé en permanence, aucun frais… Le gestionnaire de notre portefeuille n’est plus un banquier, nous sommes les propres dirigeants de nos finances. Des arguments qui flattent notamment les digital-natives friands de cette immédiateté offerte par le numérique. Une aubaine donc pour une tranche de la population jeune qui veut garder un oeil constant sur ses dépenses et ce même à l’autre bout du monde. Avec des offres attractives sur la gestion de son budget à l’étranger notamment par la suppression des commissions engendrées par le payement en devises étrangères, la néo-banque est devenue le partenaire idéal d’une génération d’actifs sans frontières. Un bon début pour ces petits nouveaux, reste à savoir dans quelle direction la graine va-t-elle germer…
Les banques traditionnelles ne font pas assez de place aux nouveaux modes de vie. Elles ne laissent pas non plus assez d’espace à de nouvelles monnaies. Le monopole de la création monétaire des banques est solide et se renforce à travers les moyens de paiement acceptés le plus souvent sur la monnaie à « cours légal ». Pourtant, de nouveaux moyens de paiement comme le Bitcoin commencent à émerger mais les établissements de crédits désirent continuer à avoir la mainmise sur la création monétaire. Un obstacle à une monnaie qui se veut de plus en plus décentralisée bloquant ainsi de nouvelles perspectives mais aussi de nouveaux emplois autour de ce marché fructueux. Pour éviter d’avoir à passer par la case « banque » et les frais salés qui lui sont rattachés, on a pu observer l’avènement d’un marché financier parallèle avec la popularisation du financement participatif ou encore du prêt entre particuliers. Une solution face aux crédits renouvelables aux taux ahurissants pratiqués par les banques traditionnelles. Loin des banques et des spéculations des marchés boursiers, les contours d’une évolution monétaire se dessinent autrement en laissant une toute nouvelle place à la liberté d’entreprendre.
La banque traditionnelle peut-elle se racheter une nouvelle image ?
La banque traditionnelle est en crise, mais peut-elle encore prétendre à une image de philanthrope? Face à la concurrence, il est important que cette dernière rétablisse une relation privilégier avec son client notamment en renforçant sa qualité de conseiller, un point faible généralement pour les nouveaux du secteurs financiers. Des atouts qu’elle doit cependant traduire avec des moyens de communications dépoussiérés. C’est la raison pour laquelle, les banques traditionnelles ont tenté de suivre le mouvement générale d’une finance numérique en réadaptant leurs offres à un format mobile à travers les banques en ligne. Un plus notamment pour les entreprises nouvellement créées qui souhaitent avoir une vision solide des enjeux financiers et administratifs qu’elles peuvent rencontrer. Dans cette mouvance, elles comptent faire directement concurrence aux néo-banques en particulier en proposant des offres directement dirigées vers ces entrepreneurs et ces indépendants, notamment via des acquisitions stratégiques ou la création d’une entité spécifique. Pour les particuliers, la question est plus complexe et une stratégie efficace pour enlever cette image de « vendeurs » aux banques traditionnelles n’a pas encore été trouvée. Pour éviter le naufrage, c’est tout une union monétaire qui doit aider la banque à se relever pour la construction d’un marché plus éthique. Le chemin est encore long.