Vive la révolution, le droit bancaire élargie ses horizons
Avoir un compte bancaire, en surface tout le monde coche ce critère. Les publicités nous rappellent sans cesse leur existence et plus généralement la croyance collective veut que chaque consommateur ait sa carte bancaire et ses sous gardés bien au chaud. Pourtant en grattant le vernis, on s’étonne devant une toute autre réalité. En 2018, près de 4 adultes sur 10 dans le monde ne possédaient pas de compte bancaire. Face à ce constat et dans sa volonté de créer un marché monétaire plus éthique où il ne serait plus seulement question de flux mais aussi de rapports financiers plus humains, l’Union Européenne a instauré « un droit au compte ». Dans les grandes lignes, tout le monde peut donc avoir accès un établissement bancaire et ses services. Malgré les efforts l’exclusion bancaire subsiste et l’émergence des Fintech a ouvert la porte à de nouveaux acteurs financiers qui comptent bien révolutionner à leur tour l’accès aux comptes. Pour inclure au mieux ces nouveaux dispositifs et surtout protéger ses utilisateurs, l’Union doit s’activer à structurer par la législation ces banques 2.0. La tâche est ardue mais les premières fondations sont d’ores et déjà en place.
L’origine des banques ne date pas d’hier et nous renvoie au temps de Babylone. Mais l’idée d’une banque inclusive est quant à elle nettement moins datée et parfois même encore trop illusoire. Pour effacer l’image d’ogre bancaire attribuée à ces établissements notamment suite à la crise des subprimes, renforcer leur rôle d’incubateurs sociaux s’est avéré plus que judicieux. L’inclusion sociale par l’inclusion bancaire, l’idée au départ utopique d’une banque pour tous a mis un pied dans la réalité. Prenons l’exemple de la France. Depuis 1984, le pays propose à ces citoyens un droit d’accès aux comptes. L’idée est simple: offrir un compte bancaire avec des droits de bases gratuits à toute personne, association ou entreprise. Pour bénéficier de cette ouverture de compte les critères se résument à ne pas avoir d’autre compte déjà ouvert et de justifier d’un refus d’ouverture de banque. En constituant un dossier auprès de la Banque de France, la personne se voyait ainsi attribuer d’office un établissement bancaire. Oui mais voilà, des failles dans ce système ont été dénoncer par de nombreuses associations de consommateurs notamment sur l’attribution non respectée du fameux certificat de refus. Pour unifier, rendre plus clair et plus juste le système, le droit bancaire s’est largement européanisé suite à la crise de 2008. Les textes de droit bancaire ont ainsi pris une toute nouvelle identité européenne délestant petit à petit leur rattachement à tel ou tel pays. Depuis fin 2014, la banque européenne ressert son contrôle en prenant en charge la surveillance prudentielle des établissements de crédit. La révolution des opérateurs bancaires est en marche.
En Europe, les banques sont donc passé sous le drapeau bleu de l’Union. Le droit au compte s’est étendu et désormais les résidents de n’importe quel pays de l’Union Européenne peuvent ouvrir un « compte de paiement de base ». Ce socle de base permet d’avoir accès à un trousseau élémentaire pour les opérations les plus courantes. Retirer de l’argent liquide, recevoir et effectuer des paiements, faire des versements, avoir accès à une carte de paiement ainsi que deux chèques en banque au maximum par mois.… À noter tout de même que dans la liste l’autorisation de couvert n’est pas obligatoire et que le droit au « compte paiement de base » ne s’applique pas à d’autres types de comptes bancaires tels que les comptes épargnes. Pour lever le voile sur une carte tarifaire bancaire trop opaque, l’Union a également décidé de miser sur l’honnêteté. Avant l’ouverture d’un compte, votre future banque se doit de vous remettre un document présentant les services liés à votre dossier mais également détailler les frais qui peuvent vous être facturés. De surcroit, chaque année une agence devra faire part à son client de son « relevé de frais », récapitulatif des frais bancaires prélevés sur votre compte et des taux d’intérêt qui y sont appliqués. Alors le bon élève a-t-il tout gagné ?
Banques en ligne, mobiles et néo-banques: un système en pleine ébullition
Des frais, des démarches longues, une offre de base gratuite trop restrictive… Tout le monde n’y trouve pas encore sont compte. Pendant ce temps-là, les agences bancaires en Europe ne cessent de voir leur nombre se réduire. Pour répondre à de nouveaux modes de vie et enlever l’étiquette d’obsolescence des banques traditionnelles, les Fintech ont repris le flambeau. Première espèce à émerger de cette évolution digitale: la banque en ligne. Pour éviter la fuite d’une clientèle adepte du numérique et souhaitant dépenser le moins possible, les agences ont ainsi transféré leurs compétences en ligne avec une offre bancaire misant sur la quasi-gratuité. Elles offrent d’ailleurs des services assez similaires à ceux proposés en agence mais traduit au numérique: désactivation du paiement sans contact en ligne, plafond modifiable à la demande, gestion des comptes simplifiés etc. Mais les banques en ligne se heurtent à ce côté encore trop «classique » qui les qualifie : une obligation de disposer d’un revenu minimum pour l’accès à certains services, une souscription fastidieuse et un système d’informations pas forcément dans l’air du temps. Elles ouvrent ainsi la brèche à des acteurs de la Fintech plus dégourdis et peut-être plus malins.
Après la brève apparition des banques mobiles, ce sont les néo-banques qui ont réellement réussi à capter l’essence d’une croissante demande du renouvellement des services bancaires. Par leur faciliter d’utilisation à l’aide d’applications mobiles efficaces, leur gratuité première ou encore leurs frais à l’étranger quasi inexistants, les néo-banques font battre le coeur des digital-natives. Une banque dépoussiérée dans la pratique mais qui dans les faits mérite un regard plus attentif. Si certains de ces acteurs sont reconnus en tant qu’établissement de paiement d’autres disposent d’une licence bancaire exploitable à échelle européenne. Par conséquent et face à ce manque d’homogénéité, les services de ces banques se trouvent limités et leur réglementation encore peu contrôlée. Avoir des toutes sur ces nouveaux acteurs est tout à fait compréhensible.
Encadrer la Fintech , un véritable défi
Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin? S’il paraît évident que dans son fonctionnement actuel une néo-banque ne peut faire office de compte principal, pourquoi ne pas l’adapter aux forces de ses prédécesseurs? L’Union Européenne a déjà réussi à encadrer les banques classiques pour rendre leurs offres plus largement accessibles. Pourquoi ne pas en faire autant en encadrant ces nouveaux acteurs tout en les orientant dans une dynamique plus constructive?
L’année 2018 a vu l’entrée en vigueur de la directive DSP2. Non, il ne s’agit pas de R2-D2, le robot de la saga Star Wars mais de la directive européenne sur les services de paiement 2ème version. Elle met en avant un contrôle poussé des échanges monétaires en ligne en sécurisant davantage les paiements et en apportant ainsi plus de sécurité pour le consommateur. « Des services de paiements moins chers, plus sûrs et plus innovants », voilà comment la Commission résume le projet. Exemple, la directive vise au renforcement des droits de consommateurs avec l’abaissement de la franchise restant à la charge du client en cas de paiement frauduleux par carte, des délais plus courts de remboursement et l’introduction d’un droit au remboursement inconditionnel pour les prélèvements en euros. Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission chargé de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés des capitaux s’est félicité de cette avancée :« Cet acte législatif constitue une nouvelle étape dans la création d’un marché unique numérique dans l’UE. Il encouragera le développement de systèmes de paiement en ligne et mobiles innovants, ce qui stimulera l’économie et la croissance. » Alors que 60% de la population européenne ne possède pas de carte de crédit, encadrer tout en donnant plus de compétences à ces nouveaux acteurs devrait accroitre le droit des consommateurs question finance. Des Fintech encore trop rares à avoir obtenu cet agrément DSP2 mais qui marquent l’émergence de nouvelles perspectives.